Dédale a décidé d’aller parfaire son teint anémié au soleil brûlant de Pologne. Quelques seaux d’eau glacée plus tard, je me lance à l’assaut du Panorama de Raclawice, à Wroclaw : Une peinture de 2000 m2 à 360 degrés nous plonge au cœur d’une gigantesque bataille sanglante. Un incontournable de l’instruction de tous les petits polonais…

Les Panoramas sont des attractions très prisées au 19ème siècle. Constitués d’une rotonde en hauteur, les murs y sont intégralement recouverts d’une scène souvent peinte en trompe l’œil. Le spectateur est ainsi immergé dans une vision à 360 degrés.Celui de Wroclaw est exécuté entre 1893 et 1894 par Wojciech Kossac, sur une idée de Jan Styka. Il mesure 15 mètres de haut, 120 mètres de circonférence et est composé de 15 panneaux cousus entre eux.

Sur son site actuel, le spectateur se trouve séparé de la toile par une vaste tranchée où s’accumulent sur un sol rocailleux des buissons secs, des planches éparses, des charrettes renversées, en tout point semblables à l’univers de la toile. Nous voilà saisis sous le feu de la bataille de Raclawice, pendant l’insurrection de Kosiuszko, en 1794.

La spectaculaire mise en scène de cet épisode, au cours duquel une armée de paysans repousse les troupes russes, prend un sens singulier dans le récit national polonais. 1 an après cette éphémère victoire, la Pologne se trouvait pour la troisième fois démembrée par les puissances voisines.

La peinture, exécutée en plein mouvement des nationalités et après deux révolutions défaites, n’a eu de cesse d’incarner l’aspiration polonaise à être une nation indépendante. Exposée à partir de 1894 à Lviv, dans l’actuelle Ukraine, sauvée des bombardements de la deuxième Guerre Mondiale, déplacée à Wroclaw après la modification des frontières de 1945, la toile -politiquement sensible- y restera cachée au public jusqu’en 1985, date à laquelle le Régime soviétique cède.

Est ce à dire que la mémoire s’est apaisée ? Il n’est qu’à voir le flot industriel des visites scolaires pour comprendre que la Pologne, aux accents nationalistes, voit encore dans le Panorama de Raclawice le moyen d’affirmer sa souveraineté face à une Europe et une Russie qui l’encombrent.